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Association Familiale Catholique du Bas-Dauphiné
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12 février 2014

REFLEXIONS SUR LA FIN DE VIE CONTRIBUTION DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES (AFC) – décembre 2013

 Enjeux des demandes d’évolution

Parmi les nombreux éléments à prendre en compte, les AFC mettent particulièrement en avant plusieurs enjeux des demandes de modifications de la loi sur la fin de vie. Des demandes qui ont comme toile de fond des réflexions sur la dépendance, phénomène dont l’ampleur n’échappe à personne. Ces enjeux sont :

  •  l’état de dépendance qui, pour beaucoup aujourd’hui, paraît insupportable,
  •  la douleur physique et la souffrance psychologique sans aucun espoir d’amélioration qui paraît intolérable,
  •  une attitude sociale diffuse de refus de la souffrance, de rejet de la mort qui montre que ce sujet dépasse le strict champ médical et touche à la conception que la société a de la personne humaine,
  •  une volonté de maîtriser sa vie, qui aboutit à vouloir décider de sa mort, avec l’aide de la médecine ou, au contraire, à demander à la médecine de rendre « immortels »
  •  le coût de la dépendance pour la société.

 Il y a cependant dans ces demandes d’un droit à mourir trois contradictions principales :

  •  l’accent mis sur le droit de disposer de sa vie, la revendication de la liberté de choisir le moment de sa mort et, en même temps, le refus de prendre ses responsabilités, le désir d’être couverts par la loi,
  •  le refus de la dépendance, de la perte d’autonomie et, en même temps, la revendication d’une assistance, d’une dépendance vis-à-vis d’un médecin pour se suicider,
  •  le désir d’être maître de sa vie et le fait que les progrès de la médecine permettent de maintenir en vie au-delà du raisonnable (obstination déraisonnable).

 

Le poids des « cas limites »

Les débats sur la fin de vie soulèvent régulièrement des « cas limites » :

  •  en néonatologie ou dans le cas de personnes accidentées, la loi peut-elle prévoir une limite à la réanimation ?
  •  la loi Léonetti n’impose pas le respect par les médecins des directives anticipées des patients. La loi peut-elle contraindre les médecins à les respecter ?
  •  la loi peut-elle dire à partir de quel moment l’alimentation peut être considérée comme un traitement ?
  •  « Le double effet » n’est-il pas une euthanasie déguisée, lorsque, pour soulager la souffrance d’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave ou incurable, on applique un traitement qui peut avoir pour effet collatéral d’abréger sa vie ? La loi peut-elle juger l’intention du médecin ?

 

L’existence de ces cas, la reconnaissance de leur gravité et des enjeux éthiques qu’ils soulèvent justifient-elles une modification de la loi ? Cette dernière a-t-elle pour mission de régler chaque situation ?

Propositions des AFC

Avant d’envisager les questions relatives à la fin de vie, il nous paraît important de resituer les perspectives de tout traitement. L’accompagnement des patients ne doit pas devenir une nécessité pour la seule fin de vie ; il doit être présent dès la prise en charge de toute personne malade. Le traitement fait lui-même partie de cet accompagnement. Il est fait pour accompagner la personne malade au mieux et la démarche n’est pas la même suivant que l’on pense pouvoir la guérir ou non.

Les services de soins palliatifs sont attentifs à accompagner les malades dans toutes leurs dimensions : physique, psychologique, spirituelle. Mais cette culture du soin n’est pas réservée à la fin de vie. Elle devrait diffuser dans toutes les équipes médicales. Et si, dans bien des services, la technique est nécessaire, elle ne doit jamais empêcher l’attention à la personne souffrante ni autoriser à se décharger sur les soins palliatifs de l’accompagnement des malades et des mourants. Cela d’autant plus que prévoir une fin de vie n’est pas toujours possible. Tous les malades n’ont pas le temps d’envisager cette étape ultime de leur vie.

Toute vie est digne d’être vécue. Par notre attention aux autres et notre solidarité nous signifions la dignité de tout homme quelles que soient ses capacités et son devenir. Pour les AFC, la loi ne peut ni ne doit prétendre répondre à tous les cas de figure. Surtout, elle ne peut ni remplacer la conscience, ni se substituer à la solidarité.

Pour les AFC, la solution est à chercher du côté de la vie, de l’accompagnement de la vie vers la mort. Le rôle du médecin ne peut être réduit à l’application de normes techniques, à n’être qu’un exécutant de procédures définies par la loi. La médecine doit rester humaine.

Concernant la réanimation en néonatalogie, des seuils et des critères ont déjà été fixés par les professionnels. Les consensus et les protocoles sont constamment réévalués et réécrits par des équipes confrontées fréquemment aux questions difficiles de la poursuite ou de l’arrêt de la réanimation. Faut-il légiférer sur ce point? Nous ne le pensons pas.

Concernant l’alimentation, même lorsque celle-ci se fait au moyen de la technique, elle n’est en aucun cas un traitement. Elle n’a pas un but curatif, elle satisfait un besoin naturel.

La loi Léonetti a instauré un « droit à laisser mourir », sans faire mourir. Dans bien des cas, la mort ne peut être considérée comme un échec. Pour lutter contre l’obstination déraisonnable, la loi Léonetti permet de reconnaître les limites de la médecine curative, de se souvenir que toute vie est mortelle, d’accepter la mort et d'accompagner la personne en fin de vie.

La loi Léonetti est actuellement peu connue et pas suffisamment appliquée, en partie du fait du manque de temps et de financement pour la mettre en oeuvre. En effet l’appliquer demande un accompagnement parfois long par des personnes formées, la réunion de comités pluridisciplinaires alors que le temps et les budgets sont limités à l’hôpital. Il serait souhaitable que l’on donne davantage de temps aux soignants (médecins et infirmières) confrontés à ces problématiques.

Le manque de lits en soins palliatifs entraîne une rotation rapide des patients qui arrivent en toute fin de vie. Cela rend l’accompagnement difficile, le travail des équipes pénible, car elles assistent au décès souvent rapide des patients sans avoir eu le temps de les accompagner. Cela donne une image négative des soins palliatifs, qui sont perçus comme un lieu de mort et non comme un lieu où l’on accompagne la vie jusqu’au bout. Il serait souhaitable que des lits dédiés aux soins palliatifs aient davantage leur place dans les services dits curatifs. Cela changerait l’optique du soin accordé à tous les malades.

On constate que les personnes qui ont pu accompagner leurs proches jusqu’au bout vivent mieux leur deuil, sont moins sujettes à des arrêts de travail, consomment moins de médicaments, se portent mieux. Si l’on raisonne en termes de coût, l’accompagnement des mourants et de leurs familles n’est donc pas qu’une dépense, il permet aussi des économies.

Il y a cependant des hôpitaux où la démarche est bien posée avec les patients : directives anticipées et désignation d’une personne de confiance que l’hôpital peut identifier. Dans ces hôpitaux, les cas limites mentionnés plus haut sont très rares, voire inexistants. L’obstination déraissonnable s’y fait rare aussi. En effet, en l’absence de concertation pluridisciplinaire, d’une pratique palliative, d’accompagnement du malade et de sa famille, les médecins peuvent être tentés de poursuivre les traitements au-delà du raisonnable.

L’accompagnement en soins palliatifs prend en compte les douleurs physiques et les souffrances morales. Et lorsque ces souffrances sont prises en compte, la demande d’euthanasie disparaît presque toujours. La demande d’euthanasie est souvent l’échec de l’écoute, de la relation, de l’accompagnement.

Si l’on élargissait la loi, on prendrait un risque, une option très sérieuse de dérives très graves. Dans certaines maisons de retraite, il est actuellement reconnu que les personnes dépendantes, surtout si elles sont sans famille, pourraient faire l’objet de maltraitance. Qu’arriverait-t-il si l’on entrouvrait la porte du droit de tuer ? Quel regard porterait notre société sur les blessés de la vie ?

Une loi permettant l’euthanasie, même exceptionnelle, changerait le regard des soignants, de la société sur la souffrance, sur les souffrants. Veut-on une société qui va aider ceux qui sont en difficulté ou une société qui va les éliminer ? La mort, la dépendance, la souffrance sont des questions particulièrement difficiles. Il n’y a que l’homme pour donner une réponse, pas une loi.

Les AFC souhaitent que chaque souffrance soit effectivement accueillie, ce qui demande de :

  •  Former les médecins à l’accompagnement tout au long du parcours de santé, développer des structures d’accompagnement -groupes de paroles, comités d’éthique- pour les médecins et les équipes soignantes ;

 

  •  Informer et soutenir l’accompagnement des personnes en fin de vie car la présence d’un proche est centrale dans l’accompagnement et répond à la solitude éprouvée par les mourants :
  •  reconnaître et promouvoir le rôle des aidants familiaux,
  •  développer le congé d’accompagnement qui reconnaît la valeur des solidarités qui se développent au sein de la famille entre les générations,
  •  favoriser le retour du malade à la maison, dans sa famille, qui devrait être le lieu préférentiel pour mourir, avec l’accompagnement éventuel d’une infirmière en soins palliatifs à temps partiel,
  •  Faciliter et valoriser le rôle joué par les bénévoles auprès des malades et les associations qui forment et accompagnent ces bénévoles,
  •  développer les services de soins palliatifs à domicile,
  •  aider au financement des associations de soins palliatifs. Ces associations, prévues par la loi, fonctionnent avec des bénévoles, mais elles doivent au minimum couvrir les charges d’un loyer et le salaire d’une secrétaire. Sans aide publique, ces associations sont vouées à disparaître.

 

  •  Soutenir le développement d’une culture des soins palliatifs et de la prise en charge précoce des souffrances et de la douleur aussi bien en milieu hospitalier et en maisons de retraite qu’en exercice libéral ;

 

  •  Faire connaître les soins palliatifs, les directives anticipées, l’existence de comités d’éthique au grand public ; pour cela, valoriser le rôle des associations de représentants des usagers dans les établissements de santé.

 

Toute mesure nouvelle entraîne évidemment un coût. Cela demande des arbitrages budgétaires, mais l’on constate que ces arbitrages se font toujours lorsqu’il y a une volonté d’y arriver.

Pour les AFC, la portée et la gravité des questions soulevées interrogent chaque citoyen sur le respect de la vie et sa manière d'envisager la solidarité. Elles entendent rappeler que l'accompagnement des personnes en fin de vie appelle d'abord des actions de terrain et certainement pas de nouvelles lois qui instaureraient un « droit à mourir ». La mort ne saurait être en aucun cas une réponse à la souffrance.

Notre société a une tradition de soutien aux plus fragiles, aux plus démunis, en mettant en place les protections et les soutiens dont ils ont besoin. Que deviendraient-ils si l’on validait un système d’ «élimination» ? Il serait paradoxal de proposer une loi qui permette à la société de fermer les yeux, les oreilles et son coeur sur ceux qui ont des souffrances intolérables.

La dignité de l’homme est ontologique, intrinsèque à la nature humaine de la personne. Elle n’est pas relative au regard que l’on porte sur l’autre, aux performances de la personne. Elle est inhérente à l’humanité nue. Elle ne se mérite pas, elle n’est pas relative à un certain nombre de fonctions que nous mettrions en avant, elle est liée à notre nature humaine. Et notre société, entre autres par ses lois, doit être garante de cette dignité là pour tous les hommes.

La peine de mort a justement été pensée et votée parce que tout homme est digne du fait qu’il est homme. La dignité du criminel n’est pas entachée par l’indignité de son acte. Et donc mettre un homme à mort est une atteinte à l’humanité entière. Il serait paradoxal et même incohérent qu’après le vote solennel de l’abolition de la peine de mort soit votée une loi la rétablissant sous la forme de l’euthanasie ou du suicide assisté.

On constate enfin dans les pays qui ont dépénalisé l’euthanasie que les limites établies sont très rapidement franchies. On ne pourrait donc en rien se rassurer d’un éventuel encadrement de la loi.

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